(JPEG)

Vous trouverez ci-dessous le discours que j’ai prononcé à l’occasion de la fête de la Communauté française. Un discours dans lequel j’aborde la situation politique actuelle et la nécessité d’une meilleure prise en considération des spécificités bruxelloises par la Communauté française. Mais un discours dans lequel j’invite également les Bruxellois à prendre leurs responsabilités pour mener des politiques plus spécifiques en matière d’enseignement ou de culture par exemple et à dépasser les clivages institutionnels.
La réalisation de la réception a été confiée à l’Institut Emile Gryzon (CERIA), un institut qui forme nos jeunes aux métiers de l’hôtellerie et de la Boulangerie. Les compositions florales ont été réalisées par l’Institut Redouté-Peiffer. A l’heure où plusieurs études internationales pointent les lacunes de notre système d’enseignement, il me semblait important de faire appel à deux écoles techniques et professionnelles bruxelloises. A l’issue de la réception, ces jeunes étaient particulièrement fiers d’avoir pris en charge une réception à laquelle plus de 500 personnes (Ministres, Ambassadeurs, Parlementaires, associations, etc.) ont participé. Pour ma part, je garderai un souvenir particulièrement ému de leur implication et de leur participation.

Chers Amis,
Monsieur le Ministre du Revenu du Québec,
Mesdames et Messieurs les Ministres des Gouvernements,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des pays du monde entier,
Mesdames et Messieurs en vos titres et vos qualités,

Je voudrais au nom des membres du bureau du Parlement francophone bruxellois vous remercier chaleureusement d’avoir accepté notre invitation à fêter ensemble la Communauté française.

Permettez-moi de saluer particulièrement à nos côtés la présence de Monsieur Jean-Marc Fournier, Ministre québécois du Revenu qui nous fait l’honneur de sa présence. Comme vous le savez, la Ville de Québec fête son 400ème anniversaire cette année. Une Ville et une Province avec laquelle la Communauté française Wallonie-Bruxelles, les communes et la Région bruxelloise mènent plusieurs collaborations depuis plusieurs années.

Le Québec est un des piliers de la francophonie. Cette phrase pourrait sonner comme une formule de politesse classique et convenue. A mes yeux, il ne s’agit pas de cela. Monsieur le Ministre, les Québécois ont contribué à nous enrichir sur les terrains de la culture, de l’enseignement, de la jeunesse, de la formation ou encore de la participation à travers les échanges que nous avons eus et à partir de la langue française que nous partageons. Sans espérer être exhaustif, je citerai le Parlement jeunesse, la Ligue d’improvisation, l’Ecole d’été de l’Institut du nouveau monde ainsi que la culture des festivals… (Dans mon entourage, certains regrettent que la poutine servie à Montréal et qui accompagne nos bonnes vieilles frites n’ait jamais réussi à traverser l’Atlantique, et je ne sais pas si le militant slow food que je suis doit le regretter). Toutes ces expériences et des centaines d’autres, qui font aujourd’hui partie de la quotidienneté de nos citoyens et qui contribuent à améliorer leur qualité de vie, viennent du Québec et plus particulièrement des contacts réguliers que nous avons avec la belle Province. C’est dire si la démarche de rencontre avec l’autre, à condition qu’elle ne se contente pas d’être simplement polie et contemplative, qu’elle soit la plus réciproque possible et qu’elle tienne compte évidemment de nos propres particularités, est la démarche qui nous permet d’aller plus loin, de mieux affronter mieux de nouveaux défis, bref de nous rendre meilleurs.

L’année 2008 est l’année européenne du dialogue interculturel. Bruxelles qui compte près de 180 nationalités différentes et où se brassent des langues et des cultures venues des quatre coins du monde, doit évidemment se sentir concernée par cet enjeu. Sur le papier, le concept est beau. Sur le terrain, encourager le dialogue interculturel avec 180 nationalités, quelques dizaines de religions, de confessions et de langues différentes, après les débats qui ont animé nos deux communautés principales du pays ces derniers mois, ne nous met pas a priori dans une position de force. Mais pour le dire de la façon la plus positive possible, nous avons une expérience extrêmement utile dans ce domaine et notre marge de progression semble exceptionnelle.

Parler de dialogue interculturel implique plusieurs éléments. D’abord le dialogue, qui implique inévitablement au moins deux conditions : la volonté de se parler et la faculté de se comprendre qui renvoie à la question de la maîtrise des langues. Le mot « interculturel » exprime quant à lui une double idée. D’abord, il souligne le rôle important que joue la culture dans nos vies en commun et rappelle que nous devons donc accorder une place primordiale à celle-ci. La deuxième idée contenue dans le mot « interculturel » implique que la rencontre ne se limite pas à se regarder et à repartir chacun comme on était avant, mais bien davantage à se rencontrer et à accepter de se remettre en question, à donner ou à prendre un peu de l’autre.

Avoir un dialogue interculturel est plus ambitieux mais aussi plus difficile que d’avoir un dialogue multiculturel et, a fortiori, de ne pas avoir de dialogue du tout. Mais Bruxelles, compte tenu de son histoire, de sa sociologie, des femmes et des hommes qui la composent, qui la font vivre tous les jours avec leurs différences, peut-elle se priver de tenter et surtout de réussir ce défi ? Vous vous en doutez, ma réponse est non. Ou plutôt OUI, résolument nous devons réussir ce dialogue interculturel. Et ce ne sera pas facile. Mais nous ne partons pas de rien. Depuis 1995, la Commission communautaire française a fait de l’insertion sociale et de la cohabitation des différentes communautés locales une priorité, en donnant la possibilité à chaque habitant de vivre une citoyenneté active et de contribuer à la vie de la Cité. Je tiens à saluer les quelques 350 associations de cohésion sociale reconnues par la Commission communautaire française – et dont certains de leurs travailleurs sont présents ce soir – qui réalisent un travail admirable en matière d’alphabétisation, d’aide aux devoirs, de dialogue entre les cultures et les nombreuses initiatives émanant des acteurs de terrain. Il faut souligner ce travail d’autant plus qu’il n’est pas toujours visible. On en aurait beaucoup plus parlé si leur politique avait échoué comme dans d’autres villes. Nous n’en sommes heureusement pas là, mais la situation sur le terrain est loin d’être idyllique pour autant.

Nous vivons dans une ville où, comme dans la plupart des autres villes du monde, se retrouvent des personnes qui partagent de moins en moins un passé commun et qui connaît des tensions sociales souvent très fortes. Le risque de repli individuel ou communautaire est présent et il peut menacer notre « vivre ensemble ». Depuis plusieurs années, notre démocratie a renforcé les droits qu’elle a donnés aux citoyens et à différentes communautés : droit de vote aux étrangers, reconnaissance des différents cultes, soutien aux activités culturelles, droit de vivre librement sa vie privée.

Malheureusement, ces droits, lorsqu’ils ne s’accompagnent pas suffisamment du rappel qu’ils sont assortis de devoirs équivalents envers la société et la communauté au sein de laquelle on vit, sont utilisés parfois davantage pour se différencier des autres que pour s’allier aux autres. Ici aussi le dialogue interculturel, accompagné d’un projet mobilisateur sur lequel je reviendrai tout de suite, peut nous permettre de relever le défi de convaincre un maximum de personnes de se mettre d’accord autour de l’idée indispensable que, tous, autant que nous sommes et aussi différents que nous soyons, nous partageons en commun quelque chose d’essentiel, un destin commun : celui de réussir à vivre ensemble dans les meilleures conditions possibles dans cette ville-région qu’est Bruxelles.

Bruxelles, vous l’aurez remarqué, est au centre de la plupart de nos débats. Avec des interventions à géométrie variable depuis un an. Avec des éléments plus positifs que d’autres. Parmi ceux-ci, j’épinglerai quatre éléments :

1° la capacité des Néerlandophones et des Francophones de Bruxelles de revendiquer ensemble pour leurs habitants une place à égalité à côté des Régions wallonne et flamande ;
2° la reconnaissance pleine et entière par la Région wallonne du statut de Région à part entière pour Bruxelles sur pied d’égalité par rapport aux deux autres Régions ;
3° la volonté exprimée par cette même région de mener avec Bruxelles une réflexion devant aboutir à un espace politique où, dans le respect des spécificités des Bruxellois et des Wallons, un certain nombre de politiques communes et coordonnées seront menées.
4° les initiatives multiples prises par des réseaux de citoyens bruxellois pour faire entendre la voix des Bruxellois.

Ces quatre événements sont encourageants mais certes pas encore suffisants. D’abord parce que la plupart des responsables du gouvernement flamand continuent à refuser de reconnaître pleinement Bruxelles. Ensuite, parce qu’on le sait et c’est lié à ce que je viens de dire, le dialogue ne se fera pas autour de 3 acteurs sur pied d’égalité. Cela dit, il ne se fera pas non plus à deux. Ensuite, même si les discours évoluent dans le bon sens dans certains cas, un certain nombre de politiques cruciales pour nos jeunes restent en plan. En particulier dans l’enseignement.

Bruxelles est en droit de reprocher beaucoup de choses aux autres niveaux de pouvoir : pas assez de financement, de reconnaissance, de politiques adaptées aux défis rencontrés par ses habitants. Mais Bruxelles doit d’abord mieux s’organiser pour rencontrer ses propres défis. Comment voulons-nous être reconnus comme une Région à part entière si nous ne sommes même pas capables de trouver le moyen de rassembler, de temps en temps, tous les acteurs compétents à Bruxelles en matière d’enseignement ou de culture, par exemple. Ce qui n’a encore jamais été le cas, sauf à l’initiative des secteurs associatifs culturels qui ont pris les devants et nous montrent l’exemple. Cela ne veut en aucun cas dire que nous devons rompre les solidarités que nous voulons mener sur ces matières avec la Région wallonne d’une part au sein de la Communauté française ou avec la région flamande d’autre part. Mais il faut absolument se mettre en situation de défendre au mieux les intérêts de nos citoyens, en rassemblant d’abord toutes celles et ceux qui sont actifs à Bruxelles. C’est le sens des différents appels lancés par des citoyens et des associations bruxelloises depuis plusieurs mois. Cet appel nous devons l’entendre et y donner suite ensemble.

Mesdames et Messieurs, avant de laisser la parole au Président du Collège de la COCOF, Monsieur Benoit CEREXHE, je tiens encore à mettre en avant l’initiative que le bureau du Parlement francophone bruxellois a prise en confiant la gestion de la réception de ce soir aux élèves de l’Institut Emile Gryzon qui se trouve sur le campus du CERIA. Cet Institut dont l’enseignement est organisé par la Commission communautaire française forme aux métiers de la Boulangerie et de l’Hôtellerie. Par ailleurs, les compositions florales ont été réalisées par les élèves de l’école d’Horticulture de la COCOF, l’Institut Rédouté-Peiffer. Aux directions, aux enseignants de ces écoles, nous tenons à vous remercier pour le travail quotidien réalisé pour assurer la meilleure formation possible à nos jeunes. Aux élèves, je tiens à exprimer, au nom du Parlement, que nous sommes fiers d’avoir fait appel à eux, que nous goûterons avec intérêt leur savoir-faire déjà acquis et que nous comptons aussi beaucoup sur eux pour réussir à faire de Bruxelles une ville-région agréable à vivre.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie de m’avoir écouté et je vous souhaite une très bonne fête de la Communauté française à Bruxelles.