Le passage au standard passif des logements sociaux suscite encore trop souvent des inquiétudes. Certains craignent que cela n’engendre des surcoûts pour les locataires sociaux. J’ai profité d’une question posée lors de la dernière Commission logement pour démontrer que ce n’est pas le cas.

Comme j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de le rappeler: le surcoût lié au passage au standard passif est relatif et la révision du prix de référence n’a pas d’influence sur les loyers payés par les locataires sociaux. Cette question a été évidemment au centre de la réflexion.

D’abord, il faut donner quelques explications au sujet du surcoût du passif:

Il ne s’élève évidemment jamais à 30% comme le prétendent certains. On a tenu compte, par prudence, qu’un surcoût maximal de 10% est possible. Mais le prix de construction connaît un tassement, c’était inévitable.

En France, où le concept est nettement moins répandu, un surcoût de 10 à 15% est actuellement constaté par rapport à une construction moins performante de ce point de vue. Par contre, en Flandre, les professionnels de la construction observent que l’importance des travaux de construction menés sous standard passif a impliqué une décroissance très significative des surcoûts; parfois jusqu’à les réduire à zéro.

A Bruxelles, on constate la même tendance. Dans le cadre d’un concours récemment organisé par la Ville de Bruxelles pour la construction d’un ensemble de 50 logements, une école et quelques bureaux, un coût de construction à 1100 euros le m² a été proposé, soit 15% de moins que le coût moyen des autres projets non retenus.

L’hypothèse a été confirmée dans le cadre des marchés public lancés par la SLRB sur base du nouveau cahier des charges « passif ». Dans le cas du projet « Huileries » à Forest : sur les 6 offres reçues, 3 présentaient des prix au m² très nettement en-dessous du prix de référence qui avait été fixé. Le coût de construction d’un bâtiment passif peut donc être inférieur à celui d’un immeuble standard.

Le secret : réduire le temps de chantier grâce à une préfabrication poussée. Le prix des matériaux peut également expliquer que construire passif en Belgique ne coûte pas forcément plus cher. Le surcoût du passif est en train de se tasser au fur et à mesure des effets d’apprentissage dans le secteur de la construction. Le marché de la construction réagit très positivement. Plus le passif devient « standard », plus les prix se normalisent : c’est tout l’enjeu d’une attitude volontariste et exemplaire des pouvoirs publics.

Au sujet de l’impact sur les loyers

La question de l’impact sur les loyers a été étudiée en profondeur par l’administration de la SLRB, et cela pour permettre au conseil d’administration de la SLRB de prendre une décision en connaissance de cause. Dans un souci de bonne gouvernance, le Conseil d’administration de la SLRB, lorsque celui-ci a décidé d’adopter le standard passif pour toutes les nouvelles constructions, a évalué la question au regard du triple spectre du développement durable : une évaluation économique, environnementale et sociale.

Le loyer que la SISP est en droit de réclamer à un locataire est soumis à un certain nombre de limites et plafonné à 20, 22 et 24% des revenus du locataire. Le logement passif n’aura donc pas d’impact sur le loyer payé par les locataires des logements sociaux.

Étant donné que les logements passifs seront des nouveaux logements, rentreront dans ces logements (à quelques exceptions près, liées à des mutations internes) principalement des personnes qui sont actuellement sur la liste d’attente. Ces personnes ont par définition un revenu inférieur au revenu d’admission. Leur loyer étant toujours plafonné, il ne sera pas plus élevé que dans un logement classique.

Pour les locataires actuels qui ne rentrent plus dans les conditions du logement social et dont les revenus avec le temps ont dépassé le revenu d’admission du logement social, il y aurait effectivement une augmentation du loyer en cas de mutation d’un logement standard vers un logement passif. Cette augmentation sera fonction du loyer de base et du coefficient de revenus.

Actuellement, un peu plus de 10% (3.841) des logements existants sont occupés par des personnes dont les revenus sont supérieurs au revenu de référence, et qui seraient donc potentiellement concernées par cette mesure, en cas de mutation d’un logement standard vers un logement passif bien entendu.

Mais compte tenu de l‘augmentation du prix de l’énergie entre 2000 et 2010, et les prévisions pour la période de 2010 à 2020, l’impact sur le prix global du logement (loyers + charges) sera même positif pour les locataires dont les revenus dépassent les seuils du logement social et qui s’installeraient dans un logement passif neuf – dans le cadre d’une mutation par exemple : il est de 15% moins cher en 2010 et le sera de 21% en 2020.

Application du principe de coût d’occupation et création d’un fonds de solidarité énergétique

Vendredi passé, le Gouvernement a marqué son accord en deuxième lecture pour l’introduction du concept de coût d’occupation dans le logement social. Ce projet, qui a fait l’objet d’une consultation assez large du secteur avec le conseil consultatif du logement, les SISP, et la SLRB, permettra de mutualiser les gains en matière de charges énergétiques des logements passifs, basse énergie et très basse énergie.

L’économie d’énergie sera partagée entre les locataires de logements passifs, très basse énergie et basse énergie et les autres locataires, les SISP et la région. Le principe est très simple. Les locataires de logements passifs bénéficient d’une économie d’énergie de 90% en moyenne par rapport à des logements traditionnels. Cette économie s’élève à 60% dans des logements basse énergie et à 80% pour les très basse énergie.

En tenant compte d’une marge d’erreur de 10%, on a partagé le gain en 2 : la moitié pour les locataires de logements passifs, basse énergie et très basse énergie et l’autre moitié doit être payée à la SISP.

Concrètement donc, les locataires de logements passifs, basse énergie et très basse énergie paieront un forfait de respectivement 40, 35 et 25% des charges qu’ils paieraient en moyenne dans un logement traditionnel de la même superficie.

Ainsi, l’argent qui sera récolté devra être consacré pour 95% à des investissements économiseurs d’énergie. De cette manière, les locataires de logements dits traditionnels pourront profiter indirectement de la présence de logements très performants au niveau énergétique.

La Région est également gagnante car les montants versés aux fonds de solidarité seront déduits de l’allocation régionale de solidarité. Les SISP quant à elles verront leurs recettes augmenter. Il s’agit donc d’un système totalement innovant de mutualisation entre les différents partenaires, notamment ceux qui assument l’investissement de départ (la région et les SISP) d’une partie de l’économie réalisée sur les coûts d’occupation.

Son effet est bénéfique :
– au niveau financier, on peut parler d’effet « win win »
– au niveau de la politique climatique de la région qui est candidate pour la capitale du développement durable
– et au niveau social, car ce système assurera une meilleure équité entre locataires d’un logement passif, basse énergie ou très basse énergie et les locataires de logements à la conception moins efficace.