11075160_10206025446212729_4657391955095626503_o

Voici le discours complet que j’ai tenu aux militant-e-s d’ECOLO lors de l’assemblée générale pour la coprésidence d’ECOLO. Chloé Deltour et moi ne l’avons pas emporté. Nous avons néanmoins récolté près de 40% de voix alors que nous nous sommes lancés dans cette candidature extrêmement tard. Bravo à Zakia Khattabi et à Patrick Dupriez qui l’ont emporté et derrière qui nous ferons de l’écologie politique dans les années qui viennent. Parce que tous les militant-e-s n’étaient pas là et parce que l’écologie n’appartient pas qu’aux membres d’ECOLO, j’ai tenu à partager plus largement le texte de mon intervention. Je serai ravi d’entendre vos réactions.

« A chaque épreuve, il me semble essentiel de regarder l’avenir en nous recentrant sur qui nous sommes et d’où nous venons.

Je suis Christos Doulkeridis, fils d’Ekaterini Laskari et de Charalambos Doulkeridis, venus de Grèce au début des années soixante chercher un peu d’avenir. Ils ont travaillé tour à tour dans les mines, la construction, taxi la nuit, la couture, le caoutchouc et ils ont fini par vendre des olives et autres produits grecs sur les marchés avant de devoir quitter la Belgique. Pourquoi ? Parce que leur pension d’indépendant et d’aide d’indépendant ne leur permettait pas de payer le loyer de leur petit appartement.

Indépendants, ces oubliés de la gauche, ces arnaqués de la droite.

J’ai choisi le parti ECOLO il y a plus de vingt-cinq ans parce que je recherchais un parti avec des valeurs de gauche. Parce que la question du droit de vote des immigrés installés durablement dans notre pays et de leurs enfants me tenait à coeur. ECOLO fut le premier parti à porter ce combat. Il a fallu près de vingt ans au parti socialiste pour rejoindre officiellement notre position. Et autant pour le CDh et le MR. Et c’est finalement ensemble que nous avons pu concrétiser ce droit. Mais j’ai choisi surtout le parti ECOLO pour cette intuition merveilleuse et fondamentale, qui nous concerne tous, au-delà de la gauche et de la droite, que l’on soit femme ou homme, jeune ou moins jeune, riche ou pauvre, ici ou ailleurs que nous ne pouvons plus consommer et produire de la même façon parce que nous n’avons qu’une seule planète et qu’il n’y a aucun miracle qui peut changer cela.

Nous sommes le parti ECOLO, le parti de l’écologie politique. Celui que nos ainé-e-s ont créé il y a près de trente ans pour mettre dans le débat public et sur le terrain politique des enjeux fondamentaux. Et en trente ans nous en avons mené des combats. Avec des résultats concrets, des victoires et des défaites.

Le débat énergétique, le droit de vote des immigrés, la régularisation des sans papiers, la lutte contre la corruption, la moralisation de la politique belge, lagouvernance économique et bancaire, l’égalité des femmes et des hommes notamment en matière de représentation politique, le refinancement de l’enseignement, le statut des artistes, l’inclusion des personnes handicapées, la lutte contre la dualisation de l’enseignement, l’entrée des thématiques environnementales dans le débat politique, la transition écologique de l’économie, la question du temps de travail, l’individualisation des droits sociaux et bien d’autres thèmes encore n’auraient pas été portés ou pas portés de la même façon sans notre présence.

J’aimerais en profiter pour dire ici à Olivier Deleuze que ce que l’histoire de l’écologie politique retiendra de lui est immense. C’est celui qui aura réussi à faire voter dans un pays européen une loi de sortie du nucléaire. Combien d’écologistes ou autres, ici ou ailleurs peuvent se vanter d’avoir réussi une action aussi concrète.

J’aimerais aussi dire à Emily Hoyos combien je lui suis reconnaissant d’avoir été depuis toujours une cheville ouvrière du combat nous rappelant l’importance de toujours se préoccuper des enjeux de l’enseignement, parce qu’il est impossible de réussir l’avenir sans s’en préoccuper de façon structurelle. Elle est aussi celle qui a redonné de la dignité à la présidence du Parlement wallon lorqu’elle a succédé à José Happart.

J’aimerais enfin vous adresser mes excuses au nom du parti que j’aimerais co-présider. Personne, ne mériterait d’être traité comme vous l’avez parfois été par nous-mêmes. Beaucoup trop de personnes, quel que soit leur statut ou leur place dans le parti, se sentent blessées, mal reconnues, méprisées. Ce n’est pas comme ça que je vois l’écologie politique.

Toutes ces victoires et ces avancées, était-ce un chemin facile ? Jamais.

Il fallut chaque fois être capables de mobiliser toutes nos ressources, faire le lien avec les acteurs extérieurs portant les mêmes combats et créer un rapport de force politique suffisant pour peser et convaincre les autres partis. Nous avons dû pour chacun de ces combats être tour à tour radicaux, indignés, constructifs, convaincants, ouverts, fermes, créatifs et toujours déterminés. Il fallait aussi accepter d’apprendre, de s’améliorer et de corriger aussi certaines erreurs? Faire preuve sans cesse de pertinence, d’impertinence et de cohérence.

Cela a pris des années pour la plupart de ces combats. Et certains de ces combats ne sont encore nulle part, d’autres ont été récupérés et d’autres encore risquent d’être détricotés. Il faudra encore et toujours re-convaincre.

Et on assiste à nouveau à une recrudescence des conservatismes et autres obscurantismes dans tous les domaines.

Le dernier exemple en date est merveilleux. Il nous vient d’un néo-Luxembourgeois qui essaie de s’intégrer et de marquer des points auprès des agriculteurs. Willy Borsus (MR) nous déclare donc que « la viande c’est bon pour la planète ». Evidemment, Willy Borsus qui parle de planète, c’est aussi crédible que si Armand De Decker parlait d’éthique et Jacqueline Galant de mathématiques.

Mais quand même, le clientélisme à deux balles peut-il à ce point permettre de dire n’importe quoi quand on sait que la seule production d’un petit kilo de viande de boeuf, par exemple, nécessite pas moins de 15.500 litres d’eau ? Est-ce vraiment comme ça qu’on va aider les agricultrices et les agriculteurs à s’en sortir ? Est-ce vraiment les respecter que de dire ce genre d’âneries ? Alors que parallèlement, on ne met rien en place pour les soutenir à supprimer l’usage de pesticides et d’antibiotiques qui sont de véritables catastrophes pour leur santé et celles des consommateurs. Alors que son parti continue à soutenir les négociations du TTIP qui seront une nouvelle énorme fragilisation du secteur. Alors que quasi rien n’est mis en place pour les soutenir à se diriger vers une agriculture plus raisonnée et diversifiée.

Dans cette bataille clientéliste, j’ai hâte de voir la réaction des autres partis. A quand la surenchère du CDh qui nous dirait que « les pesticides c’est bon pour la santé » ou celle du PS : « il faut faire attention avec l’interdiction des antibiotiques dans l’agriculture parce que ça pourrait faire perdre des emplois »…

Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de rester par terre en raison du résultat des dernières élections. Il revient à ECOLO de renverser l’effet domino des exclusions multiples provoquées par les majorités à la tête de l’Europe, de la plupart des gouvernements belges et des autres pays européens. Ces partis, allant des socialistes aux libéraux en passant par les conservateurs, veulent nous faire croire qu’un seul chemin est possible. Le fameux TINA (there is no alternative). Notre devoir à l’inverse est celui d’incarner l’espoir qu’une autre voie est possible. Tel un domino à l’envers, nous devons nous relever les uns après les autres et aider cette société à se relever à son tour. C’est ce que nous avons appelé l’effet NOMIDO.

En particulier sur l’ensemble des thématiques écologiques, dans toutes leurs dimensions environnementales, économiques, sociales et éthiques, le parti ECOLO doit être référent de l’expertise, des propositions, de la vision et de l’action à mener.

Plus généralement, le devoir des écologistes doit aussi consister à débanaliser avec vigueur et détermination les clichés suivants :

– l’écologie est nuisible à l’économie
– les femmes ne peuvent être égales aux hommes
– les pauvres trichent
– les étrangers coûtent
– la droite gère mieux
– le privé gère mieux
– les écologistes ne gèrent pas bien
– l’Europe est nuisible
– les services publics sont inutiles et coûtent trop cher
– manger bien coûte plus cher
– la culture est un luxe
– l’impôt c’est mal
– s’occuper des gamines et des gamins qui ne suivent pas à l’école crée un nivellement par le bas

Et pour y parvenir, on ne pourra pas se contenter de s’indigner ou de dénoncer, attitude qui nous fait plaisir ainsi qu’à celles et ceux qui sont déjà d’accord avec nous. Ce sont les autres qu’il faudra sans cesse tenter de convaincre. C’est à ça que doit servir notre énergie. Nous devons donc apprendre à parler la langue de celles et ceux qui ne nous comprennent pas. Et accepter l’idée que nous ne les comprenons sans doute pas toujours suffisamment non plus. »