648x415Le 18 avril, le Parlement bruxellois organisait une réunion spéciale consacrée à la gestion des attentats du 22 mars sur le plan de la sécurité. J’ai eu l’occasion d’y développer devant le Ministre-Président Rudi Vervoort le point de vue et les questions qui suivent. Ce débat s’est concentré sur le rôle et la gestion par les différents services de secours et de sécurité au cours de cette journée noire et des jours qui ont suivis, mais aussi sur ce qui a été mis en place aux lendemains des attentats de Paris. 

Une série de questions apparaissent en effet d’emblée. A commencer par celle de notre préparation au risque particulier d’attentat après ceux perpétrés à Paris le 13 novembre 2015. Au lendemain de ces attentats, tant le Premier Ministre, Charles Michel, que le Ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, ont exprimé l’imminence d’attentats en Belgique en soulignant le nouveau mode opératoire des terroristes visant à frapper plusieurs sites en même temps. Et pourtant, à entendre les réponses des Ministres, ce constat n’a pas été accompagné de protocoles de sécurité visant à protéger un certain nombre de sites, comme le métro ou les gares, dans le cas d’un premier impact chez nous. Je ne veux pas dire que tout cela aurait pu être évité mais nous ne pouvons ignorer cette question et nous devons nous efforcer de tenir compte des expériences passées pour nous améliorer à chaque fois.

Ayant été moi-même responsable du SIAMU lorsque j’étais ministre, j’ai appris comment fonctionnent les services de secours pour gérer l’urgence avec un maximum d’efficacité et je me suis d’emblée interrogé sur l’existence d’un protocole automatique à enclencher dans une telle situation. Ces protocoles permettent de gagner beaucoup de temps et d’agir sans qu’on ne soit dépendants, par exemple, des lignes de communication ou qu’il ne soit nécessaire de réfléchir trop longtemps dans des situations extrêmes. Selon moi, la STIB aurait dû être avisée selon un tel protocole automatique, ce qui aurait peut-être permis de fermer ses services beaucoup plus rapidement. Or, il m’a été confirmé qu’aucun protocole semblable n’existe à ce jour et qu’il ne serait pas à l’ordre du jour non plus, alors que sa faisabilité et son intérêt n’ont pas été évalués et que l’expérience de Paris nous démontre son intérêt..

Ces événements soulèvent aussi des questions sur l’état d’avancement du renforcement de la compétence de la Région en matière de sécurité, qui découle de la dernière réforme de l’État. Ce renforcement était nécessaire mais sans perdre de vue que la sécurité est et doit rester une compétence régalienne de l’État fédéral. Il ne s’agit en effet pas de se substituer mais de mettre en place des instances destinées à  se coordonner au mieux entre les niveaux locaux, régionaux et le fédéral.

Je déplore à ce propos que le processus soit marqué par une frilosité à aborder certaines questions, comme celle de l’organisation des zones de police. Or il nous semble urgent d’avancer sans tabou et de réfléchir sur base d’arguments objectifs, d’envisager aussi l’éventualité de revoir nos certitudes s’il s’avère qu’une autre organisation est plus efficace. Il est essentiel de vérifier tout ce qui peut être coordonné à l’échelle régionale. Malheureusement, il aura peut-être fallu ce genre de catastrophe pour s’en rendre compte, mais n’ayons pas peur d’aller dans cette direction.

Même si nous sommes bien en route, la mise en œuvre de la réforme accuse  un certain retard, j’ai parfois l’impression que nous travaillons comme si elle n’avait pas encore eu lieu.. Par exemple, le nouvel organisme « Bruxelles Prévention Sécurité » n’est pas encore totalement opérationnel et le rôle de nouveaux acteurs tels que le « haut fonctionnaire régional », qui a hérité de compétences du fédéral, n’apparaît pas clairement. Or ce dernier devrait il me semble jouer un rôle de coordination  essentiel entre les différents niveaux de pouvoir en cas de problème.

Il est indispensable de savoir comment les rôles des acteurs locaux, régionaux et fédéraux s’articulent entre eux (bourgmestres, haut fonctionnaire, ministre-président, ministre de l’intérieur, Conseil régional de sécurité, responsables des transports publics etc.) C’est cette transparence qui permettra de savoir précisément qui est responsable de quoi en cas de problème et  aussi d’imaginer des solutions pour l’avenir. Les faits nous ont en tous les cas bien montré l’utilité de coordonner et d’associer davantage les différents acteurs. Pour quelle raison par exemple le métro n’a-t-il pas été fermé plur rapidement ?Y a-t-il bien eu un ordre de le faire fermer, quand exactement et par qui ? La commission d’enquête en cours semble en tous les cas confirmer que des problèmes de coordination ont bien été constatés à ce niveau.

J’ai aussi réagi à propos de la gestion de la sécurité sur notre territoire les jours qui ont suivi les attentats. J’ai pu constater plusieurs maladresses, d’abord à propos de l’attitude de la police qui  s’est montrée passive face à des expressions de haine délibérées et de provocations par certains petits nazis et hooligans à la Bourse lors d’un rassemblement de recueillement en fin mars et ensuite une semaine plus tard où nous avons assisté à des réactions disproportionnées face à des citoyens qui ne perturbaient pas l’ordre public..  Ces attitudes nous laissent en effet perplexe..

Enfin, j’ai répété l’intérêt, dans de telles circonstances, d’accompagner les réponses sécuritaires d’un renforcement de l’enseignement, de la culture et d’investir plus dans tout ce qui peut permettre aux jeunes de réfléchir, de développer leur sens critique et d’ainsi éviter que nous ne nourrissions de nouveaux petit Daech et mini-Trump qui risquent de nous éclater un jour ou l’autre à la figure.

Tout comme il nous semble indispensable de réfléchir sur ce qui peut contribuer à construire toujours plus du « nous ». Et à ce propos, ce qui m’a manqué le plus après les attentats et je pense à de très nombreux citoyens, c’est un rassemblement de toute la population initiée et soutenue par les plus hautes autorités du pays, comme ce fut le cas en France après les attentats de Paris..pour affirmer collectivement que nous formons un tout par delà nos diversités et que nous refusons fermement et d’une seule voix de capituler face à la barbarie.. Si le Fédéral n’en a pas pris l’initiative, j’invite nos autorités régionales à inciter toutes les forces vives de notre région – militants associatifs, commerçants, employés dans des musées, entrepreneurs, etc. – à se rassembler.  Car c’est bien ensemble que nous dépasserons cette catastrophe.

Je salue par contre la Ministre Jodoigne pour l’attention et les initiatives qui ont été prises pour assurer un soutien psychologique aux agents du SIAMU qui ont été confrontés à des scènes particulièrement horribles et qui sortent totalement de l’ordinaire de leurs interventions.  Je pense d’ailleurs qu’une cérémonie officielle de remerciements à leur encontre devrait être prévue par les autorités régionales, ce que les autorités fédérales n’ont malheureusement pas fait. Cette absence de réflexe qui semble aller de soi compte parmi les regrets qui ont été exprimés par plusieurs des agents avec qui je me suis entretenu.