cantine_7C’est le constat ahurissant que je dois tirer de mes multiples interpellations des Ministres CDh qui se sont succédées à la tête de l’Enseignement francophones ces dernières années. Un projet de cahier des charges était promis depuis des mois. On nous a baladé en nous disant qu’il allait bientôt arriver et finalement il est reporté à janvier 2017… si tout va bien. Et la Ministre annonce déjà qu’il n’aura vraisemblablement aucun caractère contraignant. C’est dire l’ambition qu’a ce gouvernement dans le domaine. Pourtant, des effets d’annonce on en a bien reçu. « Toute l’agriculture bio d’ici 2025 » scandait un Ministre wallon CDh avant d’être repris par son collègue du même parti qui disait que c’était exclu. La santé de nos enfants, le bien-être de nos animaux, tout ça restera du blablabla difficile à digérer. Voici le texte de nos échanges au parlement sur ce sujet.

 

M. Christos Doulkeridis (Ecolo) . – Madame  la Ministre, pour la cinquième ou la sixième fois depuis le début de la législature – absence de réponse oblige –, je reviens sur la question des cantines scolaires. À la qualité nutritive des aliments,  à l’équilibre alimentaire, j’ajouterai un élément  fondamental, le bien-être animal, autre sujet de préoccupation du groupe Ecolo.

Cette interpellation partira d’un cas particulier, non pour s’y attarder, mais pour élargir la  réflexion, ce cas étant assez révélateur de la situation actuelle en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Voici plusieurs mois, la commune d’Ixelles s’est saisie de cette préoccupation à la suite d’une  réaction d’une association de parents et à un débat au conseil communal. Eu égard aux échanges et  aux critiques sur la qualité nutritionnelle des repas  fournis aux enfants, la commune a accepté  d’organiser, en collaboration avec le prestataire de  l’époque, une visite sur le terrain.

C’est ainsi  qu’en mai dernier, une visite d’un élevage de  porcs était organisée par Sodexo à la demande de  la commune d’Ixelles. Le moins que l’on puisse  dire, c’est que cette visite a laissé sous le choc  les  différents visiteurs qui y ont assisté. Si cet élevage  répondait assurément à des normes sanitaires qui  paraissaient élevées au regard d’un certain nombre  de critères envers les animaux – cahier des charges «Certus», castration des porcelets non  plus réalisés mécaniquement à vif, mais par la  voie d’un vaccin, etc. –, leurs conditions  d’existence étaient par contre totalement indignes.

Voici le rapport qu’a pu m’en faire une des  participantes: «Les mères sont enfermées dans des  cages pour être inséminées, elles y restent trois  semaines et ne peuvent pas s’y mouvoir, juste se  lever et se coucher. Ensuite, elles rejoignent un  «parc» d’environ 10 mètres carrés, bétonné et  dépourvu de toute verdure, où elles se retrouvent  entre 10 et 15. Lorsqu’elles mettent bas, elles son t  à nouveau enfermées dans des cages qui les immobilisent. Elles y sont positionnées sur le dos  pour laisser aux petits la possibilité de téter, et ce à nouveau pendant plusieurs semaines.

Les petits  sont sevrés après trois à quatre semaines puis élevés dans des « parcs » concentrationnaires, où la  lumière artificielle est tamisée pour éviter les  comportements violents liés à la promiscuité.  L’air y est en permanence filtré, mais  l’atmosphère est chargée en ammoniaque».

Bref, nous sommes loin de ce qui pourrait  être désigné comme un lieu de «bien-être et de  respect pour les animaux». Pourtant, ce type  d’élevage est considéré comme «travaillant bien»,  vraisemblablement au regard des questions liées à  l’hygiène et à la sécurité alimentaire humaine.  J’imagine que ce lieu a été expressément  choisi par la société Sodexo pour être vu par une  clientèle portant un regard critique. C’est dire la condition dans laquelle doivent se trouver d’autres élevages.

Le cahier des charges utilisé pour les marchés publics dans cette commune n’intégrait pas  dans ses critères des clauses qui permettraient  d’envisager une autre offre, plus respectueuse du  bien-être des animaux et qui observerait aussi  davantage les critères généraux de l’alimentation  saine et durable, notamment l’interdiction des  résidus de pesticides.

Ma question porte sur les critères prévus  dans les cahiers des charges utilisés par les pouvoirs organisateurs de nos écoles.  Si de tels critères étaient pris en compte, cela  permettrait d’ouvrir le marché à d’autres fournisseurs qui proposent une offre différente, plutôt  que de répéter les mêmes choix et renforcer ainsi  le  statu quo . Par ailleurs, l’adoption de critères  plus stricts pour les marchés publics est aussi de  nature à stimuler les fournisseurs à innover et à  s’adapter à une demande heureusement devenue plus exigeante et en évolution.

Les mentalités et la qualité de l’offre ont  évolué ces dernières années dans le sens d’une  alimentation plus saine, locale et durable, mais  nos législations sont à la traîne.  

À Bruxelles et en Wallonie, plusieurs communes vont depuis plusieurs années plus loin dans  les critères de l’alimentation durable et de qualité.  Elles traitent avec des sociétés qui proposent une  offre  plus  respectueuse  des  critères  de  l’alimentation durable. Les enfants peuvent par  exemple manger bio ou végétarien le jeudi; ils  sont sensibilisés au gaspillage alimentaire et ont  vu le grammage de viande réduit.

Nous avons donc la preuve que diverses mesures permettent de se fournir en aliments et  viandes biologiques de meilleure qualité sans pour  autant augmenter les coûts. Les élevages biologiques sont par ailleurs réputés pour leur respect  plus strict du bien-être animal.  Nous constatons donc qu’il existe déjà à présent des moyens concrets et peu coûteux  d’amélioration de la qualité de l’offre dans les  cantines scolaires, mais aussi que les pratiques  sont très variables selon les volontés locales. 

Si  nous voulons servir à nos enfants autre chose que  de la viande produite dans des usines concentrationnaires et assurer à tous une alimentation durable et de qualité, un encadrement plus ambitieux  des pratiques apparaît plus que jamais nécessaire.

Madame la Ministre,

– Quels sont les critères  actuellement prévus pour la fourniture et la prépa- ration des repas dans les cantines en Fédération  Wallonie-Bruxelles en ce qui concerne le bien-être  animal, la promotion de la filière bio, les bonnes  pratiques en termes d’alimentation durable, la  réduction de la viande dans les repas?

– Une évaluation de ces critères est-elle prévue?

– Un projet de modification de ce cahier des  charges relatif aux repas scolaires pour mieux  tenir compte de ces critères est-il prévu? C’est en tout cas ce que me répondait déjà Mme Milquet  fixant le calendrier en septembre, ensuite en décembre, vous m’apprendrez que nous n’en  sommes nulle part.

– Avez-vous une vue globale des prestataires  de repas dans les écoles de la Fédération Wallo- nie-Bruxelles? Si oui, quels enseignements en  tirez-vous?

Afin d’avoir un impact le plus large possible,  il est essentiel que les cahiers des charges de la  Fédération aient un caractère contraignant sur des  normes planchers, c’est-à-dire qu’elles établissent un minimum de qualité à rencontrer dans les cahiers des charges qui sont lancés par les différent s  prestataires. Ce n’est actuellement pas le cas.  Qu’est-ce qui empêche de leur donner un caractère  contraignant?

Enfin, deux de vos collègues ministres ont  abordé cette thématique en Région wallonne. Le  ministre Di Antonio a promis qu’il y aurait très  prochainement du bio et du local pour toutes les  écoles wallonnes – 100 % de bio d’ici 2025. Mon  excellent – et impertinent – collègue Matthieu Daele a voulu en savoir plus sur la crédibilité de cette sortie médiatique. Il a interpellé le  ministre wallon de l’Agriculture, qui a failli tomber à la renverse et a annoncé viser plutôt un 18 % en 2020.

Nous sommes donc loin d’avoir une position commune du côté wallon! Je ne parle pas de  la Région bruxelloise où il y a très peu  d’agriculture, mais qui est intéressée par la qualité  des repas délivrés à nos enfants. Avez-vous des précisions sur ce qui se trame  dans les Régions?

 

Réponses de Mme Marie-Martine Schyns , ministre de  l’Éducation. – Comme je vous l’ai annoncé le 12  juillet dernier, un nouvel état des lieux des pratiques culinaires et des restaurants scolaires est  programmé pour cette rentrée scolaire. Un questionnaire en ligne sera envoyé dans le courant du  mois d’octobre à l’ensemble des écoles de  l’enseignement fondamental et secondaire. Nous  avons en effet estimé qu’envoyer les questionnaires en septembre risquait de surcharger le travail des écoles qui traitent à cette époque les  nombreux documents qu’elles reçoivent. Les résultats seront présentés en janvier 2017.

En ce qui concerne l’évaluation du cahier  spécial des charges pour des repas sains et durables dans les cantines scolaires, les questions  relatives à son utilisation au sein des écoles sont intégrées à l’état des lieux programmé. Par ailleurs, ainsi que je l’ai déjà annoncé dans ma réponse du 12 juillet, j’ai demandé à ce que le  contenu de ce cahier des charges soit revu, en  tenant compte des réalités de son utilisation et en y incluant des éléments en lien avec des dé- marches  de  développement  durable  et  d’introduction au végétarisme. Ces nouvelles propositions pour le contenu du cahier spécial des charges seront formulées dans le premier trimestre 2017.

Votre proposition, Monsieur Doulkeridis,  d’intégrer des éléments liés au bien-être animal est  incontournable. Je proposerai qu’elle fasse l’objet d’une réflexion au sein du groupe de travail qui  regroupe l’administration, les cabinets régionaux  ainsi que mon cabinet.

En ce qui concerne les enseignements que  l’on peut retirer des précédentes évaluations, il  est, d’une part, indispensable d’accompagner les écoles au changement des pratiques alimentaires,  en leur apportant un appui méthodologique à la  mise en œuvre, à la gestion et à l’évaluation d’un  tel  changement,  en  cohérence  avec  l’environnement de l’école et son public.

D’autre  part, il est nécessaire d’intégrer à toutes ces démarches une politique de coéducation entre enseignants et parents. Sans celle-ci, le changement de  pratiques alimentaires ne pourra pas se faire à long  terme.  Enfin, il est nécessaire de mettre en avant les  intérêts que les écoles et les pouvoirs organisateurs  ont  à  développer  une  politique  d’alimentation saine pour tous. Dans d’autres domaines, nous avons constaté que le caractère contraignant à l’application d’un cahier des charges  ne permettait pas un réel changement profond des  pratiques.

Au contraire, des normes trop contraignantes pourraient faire abandonner l’idée de recourir à un cahier des charges.

Concernant les projets sur la table, je vous  rappelle que le Parlement a adopté en février dernier un décret qui oblige chaque établissement  scolaire à élaborer un plan de pilotage pour le 1 er septembre 2018. La date peut paraître lointaine,  mais ces plans devront comprendre une série  d’objectifs, dont une stratégie en matière de promotion de la santé et de développement durable.  Le projet «Les Cantiniers» lancé par le ministre wallon de l’Environnement fait partie de la réflexion menée par le groupe de travail évoqué plus haut. Les écoles  sont libres d’y adhérer ou pas. Le projet est tout  à  fait cohérent avec les mesures actuelles, bien qu’il soit beaucoup plus ciblé sur le développement  durable et ne soit pas incompatible avec la promotion d’une alimentation saine et de qualité.

Toutefois,  j’entends  bien  votre  préoccupation:  effectivement, il existe de nombreux projets de  sensibilisation et de prévention en Fédération  Wallonie-Bruxelles et de nombreux professionnels  issus de secteurs variés s’en préoccupent. Pour les établissements scolaires, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver et de choisir l’initiative la plus adéquate.  C’est la raison pour laquelle des cadastres d’opérateurs et d’initiatives existants sont en cours  afin d’assurer une cohérence et une concertation  parmi l’offre faite aux établissements scolaires.

Par ailleurs, je rappelle que l’avis n° 2 du  groupe central du Pacte pour un enseignement  d’excellence consacre une partie importante au  développement de la qualité de vie à l’école, no- tamment en renforçant la prévention en matière de  santé et en assurant une bonne alimentation. Je ne  doute pas que l’avis n° 3 reprendra ces recommandations en les précisant et les priorisant.

Réplique : M. Christos Doulkeridis (Ecolo) . – Le cdH  nous balade sur cette question depuis le début de  la législature. Vous nous dites aujourd’hui que  l’état des lieux est prévu pour la rentrée et que le  questionnaire sera transmis en octobre, pour des  raisons que je comprends fort bien. Le problème,  c’est  que  lorsque  nous  avons  interrogé  Mme Milquet sur ce point dès le début de la légi- slature, elle nous a indiqué que le travail était en  cours et que le projet était presque terminé. La  présentation a été reportée de trimestre en trimestre.

Aujourd’hui, on recommence tout à zéro à  partir du mois d’octobre. Le gouvernement a été  mis en place en juillet 2014 et vous annoncez des  projets pour la rentrée 2018, mais sans effet contraignant. À cet égard, je ne vois pas en quoi  l’exemple évoqué par Mme Maison plaidait en  défaveur du caractère  a minima  contraignant de ce  cahier des charges.

Sur la question du bien-être, de la qualité nutritionnelle, de l’équilibre alimentaire, il est possible de mettre en place, pour le bien de nos  enfants, des balises qui respectent l’autonomie des écoles, mais aussi qui améliorent la qualité de nos relations avec la nature et les animaux. Voilà le  minimum que nous vous demandons de faire.

Mme Marie-Martine Schyns , ministre de  l’Éducation. – Le cahier des charges n’est pas  prévu pour septembre 2018, mais bien pour jan- vier 2017. La date de septembre 2018 concerne les  plans de pilotage que les écoles doivent mettre en  place.

M. Christos Doulkeridis (Ecolo) . – Qu’en  est-il du caractère contraignant ou non de ce cahier des charges? Vous êtes peu intervenue sur le  fond de ce dossier. C’est peut-être une question de style et sans doute attendez-vous ce qu’il ressortira du questionnaire. Nous abordons cependant des  questions de société importantes. Vous pourriez  vous engager un minimum! Vous ne le faites pas,  et c’est votre droit. Cela ne nous rassure pas du  tout. Je dis donc que sur cet enjeu de  l’alimentation de nos enfants dans les écoles, le  cdH nous balade, et pas vraiment dans la bonne  direction.