Ce lundi 27 septembre, c’est la Fête de la Communauté française. Mais le Parlement francophone bruxellois a lancé les festivités dés ce vendredi, avec une réception au Parlement bruxellois lors de laquelle j’ai pu prendre la parole en tant que Ministre-Président de la Cocof. Je vous le propose ici dans son intégralité. N’hésitez pas à réagir et à le commenter!

Bonne Fête de la Communauté française. Vive Bruxelles !

Cette année, et je ne me risquerais pas à dire que c’est la première ou la dernière fois, cette fête est placée dans un contexte de discussions institutionnelles déterminantes pour l’avenir de la Belgique.

Je voudrais adresser mes premiers mots aux représentants des pays étrangers et amis qui nous font l’honneur de leur présence. Mesdames et Messieurs, Excellences, je me doute que vos pays doivent être attentifs à l’évolution de ce qui se passe ici. En forme de clin d’œil à ce qui a pu être écrit dans des médias ces derniers jours, je voudrais rassurer le représentant de la République française en lui disant que la France ne devrait sans doute pas s’inquiéter de devoir corriger dans l’urgence les limites géographiques de son territoire dans ses manuels scolaires. Ce n’est pas pour demain. Ni sans doute pour après-demain.

A l’ensemble des pays voisins amis, je voudrais également annoncer une très bonne nouvelle. Parmi toutes les demandes de transfert de compétences de l’Etat fédéral vers les Régions ou les Communautés, la demande de régionalisation de la politique de Défense n’a à ce jour été demandée par aucun parti autour de la table des négociations. Nous ne nous retrouverons donc pas à nous partager bientôt les chars et autres hélicoptères d’assaut entre Bruxellois, Wallons, Flamands ou Germanophones.

Cette petite boutade ne doit néanmoins pas nous voiler la face. La situation est préoccupante. Pour Bruxelles, pour la Belgique, mais aussi pour l’Europe. Mais elle peut aussi être porteuse, en fonction de son issue, de nouvelles opportunités de vivre ensemble. Il faut dire que la Belgique a pu faire valoir tout au long de son histoire mouvementée une réelle expertise et une créativité sans bornes pour faire cohabiter des citoyens ne pratiquant pas toujours la même langue, les mêmes réalités, la même vision, la même lecture de l’histoire mais aussi, depuis de nombreuses années, des citoyens venus d’ailleurs avec leur propre histoire.

A l’inverse, un échec et un repli vers tout plan B enverrait un signal scandaleux à l’ensemble de l’Europe. Bruxelles et la Belgique ont une responsabilité vis-à-vis de l’Europe. Si le pays qui a la capitale de l’Europe, le pays qui est occupé à exercer la Présidence de l’Europe, le pays qui ressemble le plus à l’Europe n’est pas capable de s’organiser autour de règles de vivre ensemble basées sur un équilibre entre respect d’une autonomie construite autour de ses particularités et une solidarité interpersonnelle qui évite toute concurrence interne déloyale, comment plaider pour une Europe basée sur les mêmes règles, une Europe qui sorte de ses peurs, de ses égoïsmes, de ses replis frileux tels qu’ils s’expriment de plus en plus ici et ailleurs ? Comment, en cas d’échec belge, croire encore en une Europe capable de jouer le moindre rôle à l’échelle mondiale dans un contexte où sa place est déjà plus que fragilisée sur le plan économique, politique ou même éthique par la plupart des autres continents ? Se poser la question, c’est aussi essayer de prendre un peu de hauteur pour ce pays de 10 millions d’habitants qui est plus petit que la plupart des mégapoles de pays que nous souhaiterions concurrencer.

Il nous faut donc aujourd’hui réussir la construction d’une Belgique nouvelle au sein de laquelle on a compris que les entités fédérées devraient inévitablement jouer un rôle beaucoup plus fondamental. Message reçu.

Bruxelles a aussi un message à faire passer. La Belgique de demain devra immanquablement se construire autour de 3 ou 4 Régions fortes, dont Bruxelles, financées et organisées sur pied d’égalité. Demander le financement adéquat de Bruxelles ou, à l’instar des deux autres Régions, son autonomie constitutive relèvent de la même exigence légitime : celle d’être considéré au même niveau que les autres Régions. Une situation où un sous-financement structurel ne conduise pas Bruxelles a quémander sans cesse auprès d’un autre niveau de pouvoir régional, communautaire ou fédéral les moyens justes et équitables pour exercer ses compétences.

Les réformes qui auront lieu devront intégrer, impérativement, cette réalité. Ca ne veut pas dire que Bruxelles doit être isolée, qu’elle doit vivre dans son île ! Elle a la responsabilité d’avoir des relations avec les deux autres Régions et j’insiste sur ces deux autres Régions. Depuis des années, une solidarité importante existe entre les Wallons et les francophones Bruxellois. Elle s’est très nettement renforcée ces dernières années à la fois sur la forme et sur le fond. Sur la forme, la reconnaissance et le plaidoyer pour reconnaître à Bruxelles son statut plein et entier se sont multipliées de la part des  autorités wallonnes. Sur le fond, des gouvernements conjoints abordent régulièrement sur pied d’égalité et dans une logique de coopération des enjeux aussi fondamentaux que l’enseignement, l’enfance, la politique des personnes handicapées, l’ensemble des compétences que l’on veut voir échapper à un e logique purement marchande…

Cette collaboration se limite pour l’instant aux gouvernements francophones de nos deux Régions. Je suis convaincu que nous devons aller beaucoup plus loin et que le Gouvernement bruxellois doit dans l’ensemble de ses compétences économiques, environnementales, de mobilité, de logement et j’en passe, mener le même travail de collaboration.

Ce travail devrait aussi être mené dans la même logique avec le Gouvernement flamand. Je pense que tous les Bruxellois sont prêts à le mener. J’espère que les membres du Gouvernement flamand saisiront cette main tendue pour mener dans l’intérêt des habitants et des entreprises de nos Régions les politiques modernes, ambitieuses et cohérentes auxquelles ils ont droit.

Construire la Belgique de demain ne pourra se refonder que sur les bases de confiance, de respect et de coopération que je viens d’évoquer. Personne ne peut rester sur ses acquis, sur ses prétentions unilatérales, sur ses égoïsmes. Chacun doit faire une part du chemin pour rechercher une solution équilibrée et donc durable. Nous sommes prêts à le faire avec responsabilité.

Ces dernières années, nous avons eu beaucoup de peine à montrer que l’Union faisait la force de la Belgique. Pour autant, ne soyons pas honteux de cette Belgique. Il suffit de faire quelques kilomètres en dehors de notre pays pour nous rendre compte en revenant de l’immense valeur de ce qui a été construit jusqu’à présent. Et si aujourd’hui, certains ont du mal avec la devise nationale, réussissons au moins à rester « Unis dans la diversité » et faisons notre cette devise européenne.

Pour conclure, je voudrais adresser mes remerciements à toutes les femmes et les hommes qui travaillent dans les institutions, associations, écoles, maisons d’accueil, administrations qui dépendent d’une façon ou d’une autre de la Commission communautaire française. Dans la situation économique à laquelle sont confrontés une partie trop importante de notre population, vous accomplissez un travail précieux indispensable, et la plupart du temps dans des conditions difficiles. A vous toutes et à vous tous, je vous adresse la reconnaissance de l’ensemble des membres du Gouvernement.