Voici mon échange du 14 mars epc avec Mme Schyns, Ministre de l’Éducation. Mon but : faire un point précis sur la situation et les pistes envisagées quant au suivi pratique de la mise en œuvre du cours d’éducation à la philosophie et la citoyenneté. C’est parce que ce cours est d’une importance capitale pour nos enfants qu’il faut réagir et vite face aux difficultés occasionnées par une mise en œuvre faite dans la précipitation  et révélatrice d’un manque criant de concertation avec les enseignants, qui sont pourtant les premiers concernés par cette réforme. Le plafond d’implantations couverte par enseignant, la possibilité pour un même professeur de donner les cours de religion, de morale et d’EPC dans la même implantation et devant les mêmes élèves ou encore le nombre de périodes de cours de religion, morale et cours de philosophie et citoyenneté (RLMOD), voilà autant de questions que j’ai posées à Mme Schyns. Malgré des avancées positives promises pour le secondaire, la vision actuelle du gouvernement sur le terrain reste floue pour le primaire.

Ma question :

Madame la Ministre, la mise en œuvre du cours de philosophie et de citoyenneté (CPC) a donné lieu à une situation particulière et à de nombreuses informations, souvent inquiétantes et contradictoires.

Quelle est la posture exacte du gouvernement concernant le nombre maximum d’implantations par enseignant ? Il nous est revenu que « le nombre maximum de neuf implantations par enseignant fut un compromis durement gagné par les syndicats face à une ministre qui voulait mettre fin au plafond ». Est-ce exact ?

Disposez-vous de statistiques, venant de tous les pouvoirs organisateurs (PO), concernant le nombre d’implantations couvertes par enseignant ? Le cas échéant, pouvez-vous nous les communiquer? Quelle est la position du gouvernement quant à la possibilité, pour un même enseignant, de donner les cours de religion, de morale et d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté (EPC) dans la même implantation ou devant les mêmes élèves?

Disposez-vous d’une vision claire du nombre de périodes de cours de religion, morale et cours de philosophie et citoyenneté (RLMOD) ? Si oui, ces périodes sont-elles suffisantes pour attribuer un volume de charge satisfaisant aux enseignants concernés ? Les établissements devant prévoir des périodes supplémentaires pour compléter les volumes de charge sont-ils nombreux ? Pourriez-vous en indiquer le nombre ? Avez-vous la possibilité logistique de vérifier que ces périodes supplémentaires sont bien utilisées pour encadrer des cours de religion, de morale non confessionnelle,de philosophie et de citoyenneté ?

La réponse de Marie-Martine Schyns, ministre de l’Éducation :

Je comprends qu’il reste intéressant, malgré les réponses déjà apportées au sein de cette commission, de ne pas tenir compte du contexte exceptionnel de mise en place d’un nouveau cours et du processus qui a prévalu à son organisation.

Pour rappel, l’ensemble des partenaires a, sur la base des orientations et des textes déposés par le gouvernement, participé au processus. J’attire l’attention sur le fait que ces cours ont un référentiel de programmes qui, face à l’ampleur des objectifs, ont été remarqués pour leur justesse et leurs qualités, et ce jusqu’au sein de cette assemblée. Les formations qui y sont attachées, les formations à la neutralité et une phase de mise en œuvre ont, certes, malgré le travail et le suivi des acteurs concernés, engendré certaines difficultés. Les enfants peuvent toutefois, depuis de nombreux mois, être guidés dans ce nouveau cours par des enseignants compétents et investis. Nous avons, comme nous nous y étions engagés, préservé l’emploi de tous les enseignants.

Dois-je revenir sur la mobilisation anticipée et sur les structures d’accompagnement que nous avons favorisées ou mises en place et qui ont permis de répondre aux difficultés d’organisation du nouveau cours ? Ces difficultés étaient souvent liées au peu de temps dont disposaient les acteurs de terrain pour s’approprier ce nouveau dispositif. Elles ont parfois été importantes, mais n’ont néanmoins pas généré de situation chaotique.

À titre indicatif, à la suite de ma dernière rencontre, ce 6mars, avec les collectifs de professeurs de morale et de religion, je peux vous affirmer que sur les 700 membres que ces collectifs revendiquent,une quinzaine de cas problématiques d’enseignants donnant cours dans plus de huit écoles sont recensés. Ces derniers n’oseraient pas recourir aux outils mis en place – syndicats, organes paritaires,commissions ad hoc, Cellule de prévention et de crise (CPC) – alors que ceux-ci permettraient sans aucun doute de trouver les solutions nécessaires.

Vous comprendrez qu’il est difficile de résoudre des problématiques s’il n’est pas possible d’en prendre concrètement connaissance. Cela n’enlève évidemment rien à ma volonté d’y répondre. J’ai déjà indiqué que nous ne disposions pas de données par implantation, mais par établissement. Je vous signale que j’ai demandé à l’administration de gestion du personnel de développer un moyen simple et efficace permettant de recenser de manière récurrente, lors des opérations traditionnelles de rentrée en septembre 2017, les périodes d’implantation pour chaque agent concerné, et ce, afin de ne pas alourdir les démarches actuelles.

J’ai, malgré tout, demandé un recensement des agents qui dépassaient huit implantations via les services d’inspection des cours concernés. Ce recensement d’une cinquantaine de cas est purement quantitatif. Il ne prend pas en compte des situations qui découlent de la bonne application des procédures. En effet, on peut aussi imaginer qu’une bonne gestion des textes contente tous les acteurs de terrain, en ce compris les agents concernés, dont certains fonctionnent sur huit implantations, simplement parce que c’était déjà le cas avant la réforme.

Le nombre d’implantations a été évoqué,dès le début de nos travaux, avec tous les partenaires. Le dispositif – notamment par la mise à disposition de périodes complémentaires et les possibilités de dédoublement, de cotitulariat, etc. – était configuré pour éviter les multiplications d’affectations. Je peux vous indiquer que, face aux difficultés exprimées dans le cadre du groupe de suivi et d’évaluation de la procédure, la question de la limitation n’a pas fait l’objet d’un compromis durement gagné. Il n’a pas non plus été question de supprimer des plafonds, qui n’existent d’ailleurs pas sauf en cas de réaffectation. En revanche, nous avons pris la problématique en considération et recherché des solutions avec l’ensemble des partenaires. C’est en ce sens que les propositions relatives au nombre maximal d’implantations sont discutées. Certains en ont évoqué neuf, mais il y en a davantage. Il me revient que l’une des difficultés organisationnelles ayant une incidence parfois trop forte sur la multiplication des implantations résiderait dans la contrainte, pour un même enseignant, de ne pas donner les cours de religion, de morale et d’EPC dans la même implantation. Dans le cadre du dispositif que nous mettons en place pour le secondaire et dont nous mettrons en œuvre les améliorations possibles dans l’enseignement primaire, une avancée en ce sens sera proposée. On peut effectivement imaginer pouvoir donner le cours dans une même implantation, mais pas aux mêmes élèves. Cette proposition est actuellement à l’étude.

À l’heure où je vous parle, les services de l’administration, sur la base des travaux du groupe de suivi, sont prioritairement mobilisés pour terminer l’ensemble des textes qui seront déposés au gouvernement. En ce qui concerne la question de savoir si le nombre de périodes RLMOD a été suffisant pour attribuer un volume de charges suffisant aux enseignants concernés, je peux vous émettre deux tableaux de données. Le premier précise le nombre de périodes de religion, de morale et d’EPC dispensées dans le cadre des cours en commun, octroyées par réseau au 1eroctobre 2016, sur la base des populations scolaires. Vous pourrez constater que seul un pouvoir organisateur est concerné dans le réseau libre non confessionnel. Le nombre total de ces périodes est de 33 058. Ce volume des périodes n’a pas suffi à maintenir l’emploi total des maîtres de religion et de morale définitifs et temporaires prioritaires en charge au 30juin 2016. Par conséquent, conformément au décret du 13 juillet, que nous avons voté ensemble, 3 688 périodes ont été octroyées à partir du 1er octobre 2016, sur la base des déclarations des PO et des écoles concernées. Vous les trouverez dans le second tableau.

Ma réplique :

Madame la Ministre, je vous remercie pour ces réponses qui viennent compléter les informations à notre disposition. Même s’il figurait dans le texte écrit, je n’ai pas repris le terme «chaos» dans l’exposé oral de ma question, car je reconnais qu’il n’est pas approprié. Il n’empêche que la situation n’est pas claire pour une partie de ces enseignants. Nous avons reconnu depuis le départ que le contexte était particulier et exceptionnel, puisqu’il s’agissait d’un nouveau cours. Mon groupe a même proposé, au moment de la mise en place de ce que l’on appelait «cours de rien», de prendre davantage de temps pour organiser une concertation avec l’ensemble des écoles et avec les enseignants, afin de mettre ce cours de citoyenneté et de philosophie en place dans les meilleures conditions possibles. À l’époque, le gouvernement a fait un autre choix et aujourd’hui, la situation est plus complexe. Vous dites que le nombre de personnes qui seraient en difficulté est très marginal par rapport à l’ensemble des professeurs concernés. Vous avez cité le chiffre de 17 sur 700.

Vous dites que ces personnes n’utilisent pas les différents moyens mis à leur disposition pour trouver une solution aux difficultés qu’elles rencontrent. J’en prends acte. Vous n’avez pas de vision quant au nombre d’implantations. Vous me donnez toujours la même réponse. Dois-je conclure que, pour les années qui viennent, vous n’essaierez pas d’avoir une vision la plus claire possible de la réalité telle qu’elle est vécue par les enseignants? C’est pourtant important. Il me semble essentiel, compte tenu de la nature de ce cours, de permettre aux enseignants de passer du temps dans les écoles où ils enseignent ces matières, pour pouvoir participer au projet pédagogique de l’école. C’est évidemment plus difficile quand ils doivent se disperser entre de trop nombreux établissements.

Je note avec plaisir que vous ouvrez – pour l’enseignement secondaire, voire, ensuite, pour le fondamental – la possibilité de donner cours dans une même implantation, même si ce n’est pas aux mêmes élèves. C’est un point important dans le cadre de la réforme à venir. En tout cas, mon groupe le soutiendra.