VOTRE QUESTION :

Quel droit à l’habitat pour les gens du voyage ?

MA REPONSE :

L’habitat des gens du voyage a ceci de particulier qu’il se situe aux frontières de la politique du logement et de l’action sociale, et qu’il nous force à revisiter nos propres conceptions en la matière. Je suis pleinement rangé à l’idée que l’habitat ne se réduit pas à des briques et un toit, de manière statique, mais qu’il englobe, de manière plus dynamique, les modes de vie itinérants qui forgent l’identité même de ceux qui les adoptent. Du reste, le Comité européen des droits sociaux a développé une ample jurisprudence condamnant les états membres pour insuffisance de l’encouragement public de ce type d’habitat.

Il est vrai que la Région bruxelloise n’envisage pas pour l‘instant cette problématique, l’habitat mobile n’étant nulle part défini dans le Code du logement. Le concept plus large de « logement » n’est lui-même pas défini en réalité dans ce code ! C’est par le biais du « logement meublé », présenté comme « l’immeuble ou la partie d’immeuble », qu’on peut déduire cette absence de prise en considération.

Pour sa part, la Flandre, elle, a décidé en 2004 d’envisager expressément, dans son Code du logement, l’hypothèse de la vie en « roulotte », cette dernière étant présentée comme un « logement, caractérisé par sa flexibilité et mobilité, destiné à une occupation permanente et non récréative ».

Par ailleurs, je me dois de rappeler l’existence de cet arrêté de l’Exécutif de la Communauté française du 1er juillet 1982, toujours en vigueur, qui octroie des fonds aux provinces, communes, agglomérations, fédérations et associations de communes (et autres pouvoirs subordonnés), en vue de l’acquisition, l’aménagement et l’extension de terrains de campement en faveur de « nomades » (non autrement définis)2. La présente subvention est susceptible de couvrir 60% du coût total, mais certaines conditions sont posées à son octroi.

Il ne servirait cependant à rien de consacrer formellement ce type d’habitat si, dans le même temps, on ne veillait pas à lui attacher des conséquences pratiques et concrètes.

Plus concrètement encore, à quelle(s) genre(s) de mesure(s) pourrait-on songer pour favoriser l’habitat des gens du voyage en RBC ?

La France par exemple, en cette matière, a développé une approche résolument oppressive. Ainsi, par la loi dite Besson du 31 mai 1990, chaque municipalité comptant plus de 5.000 habitants « prévoit les conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur son territoire, par la réservation de terrains aménagés à cet effet »3. Les résultats, toutefois, sont assez mitigés, pour ne pas dire franchement décevants.

En Belgique, en revanche, l’Etat a pour tradition de cultiver avec les communes une relation davantage marqué du sceau de la concertation, de sorte que les mesures envisagées ici prennent plus volontiers la forme de l’incitation.

Que peut-on donc bien faire, en définitive, concernant cette problématique en Région Bruxelloise ?


- Modifier le Code du logement.
Il faut cependant veiller à ce que les normes de qualité ne s’appliquent pas dans leur intégralité à ce type d’habitat, sous peine de devoir fermer l’ensemble des caravanes. Dans leur grande majorité, toutefois, les gens du voyage sont propriétaires de leur caravane, ce qui les prémunit du contrôle régional.

- Réfléchir à l’opportunité de délivrer, comme en Région wallonne, un subside à destination des communes pour aménager un terrain dédié aux gens du voyage (voirie, égouts, éclairage public, réseau de distribution d’eau, aménagement, etc.).

Il convient cependant d’éviter des concentrations excessives. De l’aveu même du Comité national des gens du voyage, il vaut mieux disséminer les nomades sur plusieurs terrains plutôt que les rassembler en un seul lieu, pour éviter les « frictions » notamment.

Plus globalement, dans cette thématique hautement multidimensionnelle, il ne sert à rien de faire cavalier seul, ce qui pourrait même s’avérer contreproductif. Une concertation doit impérativement avoir lieu tant avec mon collègue du gouvernement bruxellois en charge de l’urbanisme – on sait les difficultés extrêmes qu’éprouvent les gens du voyage à régulariser leur implantation sur des terrains – qu’avec les autorités communales, les autorités communautaires – pour toutes les questions liées à la scolarité -, voire avec le gouvernement fédéral (pour les aspects liés au stationnement sur la voie publique).