http://www.doulkeridis.be/IMG/arton528.jpgComme chaque année, j’ai assisté en tant que Président du Parlement francophone bruxellois aux vœux du Roi qui a prononcé un discours devant les Corps constitués.

En cette période particulièrement tendue sur le plan politique et institutionnel, le roi a axé son discours sur l’évolution institutionnelle de la Belgique, en la situant dans le cadre de l’Union européenne précisant que l’évolution de notre Etat doit s’inspirer des deux principes de base que sont la subsidiarité (recherche du niveau le plus efficace pour l’exercice des différentes compétences) et la solidarité.

Le Roi a également pointé les risques de tensions si l’un des niveaux de pouvoir venait à être privilégié à l’excès au préjudice des autres.
Et Albert II de conclure sur la tradition belge « de compromis, de bon sens et de créativité ».

Vous trouverez ci-dessous le discours qu’il a prononcé à cette occasion ainsi que celui du Premier Ministre, Guy Verhofstadt.

Le discours du Roi aux Autorités du Pays

Monsieur le Premier Ministre,

Au nom des Autorités de notre pays, vous m’avez exprimé, ainsi qu’à ma famille, des souhaits très aimables à l’occasion du Nouvel An. Je tiens à vous remercier bien vivement pour ces vœux qui me touchent, et pour tout ce que vous avez fait, en particulier ces derniers mois.

Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux d’accueillir également en cette assemblée, des membres du corps diplomatique, des représentants des institutions européennes et des responsables de l’OTAN et du SHAPE. Qu’ils se sentent tous les bienvenus ici. Nous apprécions grandement leur présence dans notre pays.

En ce début de l’année 2008 j’aimerais, Mesdames et Messieurs, évoquer avec vous l’évolution institutionnelle de la Belgique en la situant dans le cadre plus large de l’Union européenne.
La progression de la construction européenne se fait à partir d’Etats indépendants vers plus d’intégration et d’unité. Nombre de compétences sont exercées au niveau européen. Deux exemples frappants de ces dernières années. D’abord la création et le développement de la monnaie européenne, l’euro ; ensuite le rôle accru de l’Europe en matière de politique étrangère, en particulier pour favoriser la paix dans le monde. L’évolution institutionnelle belge se fait dans un sens différent. A partir d’un Etat jadis unitaire, nous devenons par une série de réformes, un Etat fédéral moderne avec plus d’autonomie et plus de responsabilités pour les régions et les communautés.

Ces évolutions en sens contraire sont toutes deux stimulées par la globalisation. Les défis que celle-ci entraîne, nécessitent des prises de décisions à un niveau qui dépasse celui des Etats Nations. D’où le développement de politiques à l’échelle européenne, qu’il s’agisse, et j’en passe, de négociations commerciales, de politiques de concurrence ou d’efforts à consentir ensemble pour faire face au changement climatique.

La mondialisation et le développement de l’Union européenne activent à leur tour un niveau de pouvoir plus proche des citoyens : celui des régions. Le phénomène de la décentralisation s’exprime un peu partout en Europe. Il est aussi très manifeste dans notre pays car chez nous, aux différences régionales s’ajoutent encore des différences de langue et de culture.

Ces deux évolutions, l’une vers plus d’unité en Europe et l’autre vers plus de décentralisation au sein des Etats nationaux, sont complémentaires. Elles doivent s’inspirer de deux principes de base : la subsidiarité et la solidarité.

La subsidiarité recherche le niveau le plus efficace pour l’exercice de différentes compétences. Dans certains cas, il s’agit du niveau européen, dans d’autres du niveau national, dans d’autres encore du niveau régional.

Parfois, ces compétences sont partagées entre plusieurs niveaux de pouvoirs. Le critère de base pour mettre la subsidiarité en pratique est celui de la meilleure gestion possible au service de la population.

Le second principe est la solidarité. Celle-ci est présente au niveau européen par une solidarité entre Etats, mais aussi par rapport aux régions. Sur le plan national elle s’exprime spécialement par une solidarité interpersonnelle, et à l’échelon régional par une solidarité entre sous-régions.

Je constate donc une forte complémentarité et compatibilité entre les différents niveaux de pouvoir, et certainement pas une opposition entre les niveaux européen, national et régional. Toutefois, des difficultés et des tensions se développent, lorsqu’on veut privilégier à l’excès un niveau de pouvoir au préjudice des autres. Par exemple, lorsqu’on veut favoriser le niveau national au détriment du niveau européen. Ce fut le cas lors de la longue crise européenne après le référendum en France et aux Pays-Bas rejetant le projet de Traité européen. Cette crise a été surmontée non sans peine par le traité de Lisbonne qui fut signé récemment et qui est en voie de ratification. D’autres situations provoquant des tensions voient le jour lorsque dans certains pays on privilégie uniquement le niveau national en refusant la décentralisation ou, à l’inverse, lorsque certains en Europe privilégient uniquement le niveau régional au détriment du national.

Les problèmes que nous avons connus en Belgique durant la deuxième moitié de 2007, s’expliquent en partie par la recherche d’un nouvel équilibre entre le niveau fédéral et le niveau régional.

Mais je suis convaincu que nous trouverons des solutions satisfaisantes car, outre les arguments rationnels, la toute grande majorité de nos citoyens comprend bien qu’être attaché à son identité régionale ou communautaire, promouvoir l’entente au sein de son pays, et œuvrer à l’Europe de demain sont des objectifs parfaitement compatibles. C’est dans ce sens que la Belgique est parfois mentionnée comme étant un laboratoire pour l’Europe. Dans la mesure où nos diverses régions et communautés vivent harmonieusement ensemble dans une même entité, nous pouvons stimuler la construction européenne et même devenir un exemple.

Mais nous devons aussi bien savoir, que nous ne serons crédibles pour encourager des progrès dans l’édification européenne, que si nous sommes en mesure de résoudre nos problèmes internes. C’est ce à quoi j’invite avec insistance toutes les autorités de notre pays. Notre tradition de compromis, de bon sens et notre créativité nous y aideront, j’en suis certain.

Dans cet esprit, la Reine et moi et toute notre famille nous vous souhaitons à tous une très heureuse et fructueuse année.

Le discours du Premier Ministre, Guy Verhofstadt

Sire,
Madame,

Dans mon discours de l’année passée, j’ai souligné la nécessité de réaliser une nouvelle réforme exhaustive de nos institutions. Mon point de départ de l’année précédente n’a pas changé : notre pays a besoin d’un nouvel équilibre, un nouvel équilibre comprenant des régions renforcées au sein d’un Etat fédéral renforcé. Comme je l’ai explicité dans le rapport que je Vous ai adressé, Sire, ceci n’implique rien de contradictoire. Que du contraire ! Davantage d’autonomie dévolue aux entités fédérées s’impose pour parvenir à une politique plus efficace, plus fonctionnelle. Et des autorités fédérales renforcées se révèlent indispensables pour ne pas ériger de nouveaux murs, de nouvelles cloisons qui risquent de générer de nouvelles distorsions dans notre pays.

Ce n’est toutefois pas en ce seul point, Sire, que la réforme institutionnelle, actuellement en préparation, se distinguera fondamentalement de toutes les autres. En effet, cette réforme de nos institutions ne disposera pas de la marge nécessaire pour faire ce que nous avons presque toujours fait, j’entends par là un bonus ou un petit extra octroyé par l’échelon fédéral aux communautés et aux régions, en sus du transfert de nouvelles compétences et de nouvelles ressources financières. C’est précisément aujourd’hui, avec encore plus d’emphase que l’année dernière, que le Fonds monétaire international affirme que toutes les entités sont tenues de porter la pleine responsabilité financière de leurs actes politiques. Une fédéralisation plus poussée devra, selon le Fonds susmentionné, aller de pair avec un renforcement de la responsabilité financière à chaque niveau.

Par conséquent, il n’y a pas de place pour une réforme qui reviendrait à éroder davantage les possibilités financières du niveau fédéral et qui permettrait, d’une manière voilée, de retourner à l’ancienne politique réprouvée des compensations. Bien au contraire ! Le renforcement du niveau fédéral devrait être de nature politique, institutionnelle et financière. Car la fédération fait face à des frais croissants liés au vieillissement démographique. Des frais qui risquent de s’élever, dans trente ans, à 6% du Produit Intérieur Brut. Tout le monde devra donc impérativement assumer ses responsabilités et contribuer à esquisser une réforme institutionnelle prenant en considération cette évolution inéluctable.

Ce qui se vérifie également pour notre économie. Là encore, nous devrons tous assumer nos responsabilités. Les avis devront converger dans les plus brefs délais. Le FMI prévoit que la Belgique et la zone euro afficheront une croissance modeste à concurrence de 1,6 %. En tout état de cause, il est de plus en plus patent que les chiffres favorables enregistrés ces dernières années en termes de croissance ne seront plus atteints. Notre pays n’échappe pas aux événements internationaux, à la crise du crédit, à la crise boursière, à la récession qui frappe les Etats-Unis. Il est dès lors grandement temps d’agir. Agir, ce verbe n’a plus qu’une seule acception : celle de réformes pour créer plus de travail et plus d’emploi. En effet, la création de plus de travail représente la clef par excellence pour parvenir à davantage de croissance économique. Plus de travail représente la clef par excellence pour amortir les coûts liés au vieillissement démographique, la clef par excellence pour assurer le financement de notre sécurité sociale. Plus de travail représente par ailleurs le levier idéal, pour nombre de personnes, permettant de s’affranchir de la précarité, de l’isolement.

Et nous sommes sur la bonne voie. Selon les chiffres les plus récents d’Eurostat, notre pays enregistrera cette année-ci un taux d’emploi avoisinant les 62 %. Il est vrai que cela représente 5 % de plus qu’il y a dix ans. Mais c’est néanmoins plus de 8 % en deçà de l’objectif de Lisbonne chiffré à 70 %. Nous ne sommes, en d’autres termes, pas encore à mi-chemin. Il s’agira dès lors de prolonger les réformes du marché du travail et les résultats y afférents des dernières années, voire même de renforcer sensiblement ces réformes et ces résultats. Mais permettez-moi de lever toute ambiguïté¿ : pour créer plus d’emplois, nous devrons tous assumer nos responsabilités tout en collaborant. Notamment pour maintenir la paix sociale. Les partenaires sociaux, les syndicats en particulier, ont pris, à plusieurs reprises cette année écoulée, leurs responsabilités, et ce, alors que les politiques ne furent même pas capables de prendre des décisions. J’espère donc, qu’en vue des élections sociales qui s’annoncent, ils ne renonceront pas à cette attitude constructive.

Car le travail constitue également la meilleure réponse aux questions et inquiétudes que suscitent le pouvoir d’achat, tout comme l’indexation des salaires et le nouveau système d’adaptations au bien-être des allocations introduit dans le courant de la précédente législature. C’est à bon droit que nous pouvons affirmer que la Belgique est un pays social. Un pays où les gens sont solidaires.

Et il est important que cela reste tel quel. Tout comme il importante que nos entreprises demeurent compétitives, car les prix des matières premières sont en hausse, les salaires croissants et l’inflation grandissante. Toutefois, ils devront opérer dans le cadre d’une économie globalisée, ce qui requerra toute notre attention dans les semaines à venir.

Le climat constitue évidemment un défi du même ordre de grandeur. Considérant les chiffres inquiétants et les éventuelles conséquences à terme, il serait tout à fait irresponsable de réduire au strict minimum nos efforts en la matière. Aussi, je tiens également à féliciter la Commission européenne pour les objectifs tant ambitieux que courageux qu’elle a dévoilés la semaine dernière. Et permettez-moi de réitérer que notre pays soutient ces objectifs sans réserve aucune. Ce plan requiert d’importants efforts. Certes. Mais il crée également des occasions. Des occasions majeures. En effet, notre pays et notre industrie disposent de nombre d’atouts, d’énormément de connaissance et de savoir-faire. Si nous nous consacrons à les engager correctement, notre technologie s’implantera non seulement en Europe, mais également à l’échelle mondiale, ce qui renforcera notre économie, notre compétitivité et nos emplois.

Sire,
Madame,

Aujourd’hui, l’heure est aux responsabilités. Il est temps de remiser nos oppositions. Il est temps s’atteler conjointement aux mesures et aux réformes dont les résultats ne se verront vraisemblablement qu’à plus ou moins long terme.

L’heure est à la maîtrise, voire au sang-froid. Nous sommes en 2008, pas en 2009. Nous avons, en d’autres termes, toute l’année 2008 devant nous. Les citoyens de ce pays s’attendent que nous nous attelions aux problèmes qui tardent à être résolus. Je pense en premier lieu à la confection d’un budget en équilibre et au fait de jeter les nouvelles fondations de notre Etat fédéral.

C’est dans cet esprit constructif que je tiens à souhaiter une excellente année 2008 au Roi, à la Reine, à la famille royale et à tous ici présents.
Ich wünsche König Albert, Königin Paola, der gesamten königlichen Familie und Ihnen allen ein gutes und glückliches Jahr 2008.
Ik wens allen hier aanwezig, en in het bijzonder de Koning, de Koningin en de Koninklijke Familie, het allerbeste voor.